DADVSI : en attendant Zidane, Matignon se bunkerise
Sans réponse de Matignon à sa demande d'entretien avec le Premier Ministre - envoyée il y a quinze jours, Richard Stallman, président de la Fondation pour le Logiciel Libre, s'est présenté vendredi 9 juin à 15h30 à l'Hôtel Matignon pour tenter d'être reçu, comme cela avait été annoncé à la presse et aux autorités. Il était porteur de la pétition EUCD.INFO (165 000 signatures, plus de 15 mêtres de long). Arrêté à plus de cent mètres de l'Hôtel Matignon par les forces de l'ordre, Richard Stallman s'est entretenu un instant avec le chef de la sécurité de Matignon qui lui a déclaré que le fait de ne pas le recevoir était «une décision qui avait été mûrement réfléchie par le cabinet».
Le docteur Stallman, ancien chercheur au MIT, considéré comme le père du Logiciel Libre, à l'origine du projet GNU, projet classé Trésor du Monde par l'UNESCO, contributeur à des logiciels utilisés par des centaines de millions de personnes, a donc été refoulé sans même pouvoir rencontrer les journalistes de l'AFP, de Sigma Presse et du Monde Informatique qui l'attendaient devant l'Hôtel Matignon. En compagnie de Richard Stallman, les membres d'EUCD.INFO ont alors décidé de dérouler la pétition EUCD.INFO dans la rue sous les objectifs d'une caméra d'Arte et des appareils photos des journalistes qui l'accompagnaient.
Frédéric Couchet, président de la FSF France, a déclaré à l'issue de cette action : «En refusant de recevoir Richard Stallman alors que Bill Gates a été reçu comme un chef d'État par le Président de la République, le Premier Ministre montre son dédain pour le Logiciel Libre, les 165 000 particuliers et les centaines d'associations et d'entreprises qui ont signé la pétition. Il refuse l'éclairage qu'un scientifique mondialement reconnu aurait pu lui apporter sur le projet de loi DADVSI. Après le lancement en début de semaine d'une opération de promotion des produits Microsoft dans les écoles sous l'égide de l'Éducation Nationale, il est vrai que nous aurions dû nous y attendre. La République de Microsoft est en marche.» Richard Stallman s'est lui étonné d'être «interpellé si loin de l'édifice». Interrogé sur la raison qui a selon lui poussé Matignon à réagir de la sorte, il a répondu : «Ils avaient visiblement peur que nous nous approchions de leur Palais. Pourquoi ? Peut-être car le mensonge a peur de la vérité.»
Pour sa part, Christophe Espern, co-fondateur d'EUCD.INFO, a expliqué : «Tout se passe comme si Matignon attendait que la Coupe du Monde batte son plein pour convoquer la commission mixte paritaire (CMP) afin que le texte soit adopté par des députés UMP aux ordres. En attendant, Matignon se bunkerise. Il laisse Nicolas Sarkozy, le n°2 du gouvernement, faire pression sur les derniers députés UMP résistants pour qu'ils «mangent leur chapeau». Le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, serait en train d'avaler le sien. La réconciliation entre l'Assemblée et le Sénat dont le Premier Ministre se prévaudrait pour convoquer la CMP serait donc un consensus obtenu par la menace et l'absence de courage, pas par la raison. Tout le monde voit bien que les textes de l'Assemblée et du Sénat sont irréconciliables sur la question de l'interopérabilité et que le Sénat a ajouté des dispositions, comme celles sur le filtrage, dont l'ensemble de l'Assemblée devrait pouvoir débattre sur le fond le temps qu'il faut. Le ministre de la Culture ose ressortir l'épouvantail de la licence globale quand on lui rappelle sa promesse réitérée de lever l'urgence en pareil cas. Il l'a fait la semaine dernière avec le député UDF Jean Dionis du Séjour lors de la séance des questions d'actualité. Mais qui est dupe ? Il se parjure. Comme l'a dit le Président de l'Assemblée Nationale, Jean-Louis Debré, «Donnedieu est un nul qui nous [les députés UMP] a mis dans la merde». Soutenu par Nicolas Sarkozy, il continue. Le Premier Ministre, gardien de l'interêt général, devrait donc maintenant au minimum lever l'urgence. C'est sa responsabilité et il a ce pouvoir. C'est finalement cela que le cabinet n'a pas voulu entendre. Les députés UMP qui vont devoir voter le texte devraient aller lui expliquer : le retour devant les électeurs est pour bientôt et Internet a la mémoire vive.»